Derrière chaque objet choisi, il convient de se souvenir des personnes - homme ou femme, guerrier ou mère de famille, vieillard ou enfant, notable ou simple villageois - qui l'ont façonné, utilisé, patiné, conservé, caché, transmis. Tous ces objets ont une mémoire d'homme... Louis Perrois, L'esprit de la forêt, terres du Gabon.
Rapportés pour la plupart par des missionnaires, marchands, militaires, voyageurs, ces objets étaient collectionnés le plus souvent par des passionnés de préhistoire qui voyaient en eux une illustration possible de notre passé le plus lointain. Cette méthode comparative, issue de théories évolutionnistes par trop ethnocentristes, eut cependant l'intérêt d'être à l'origine de collections importantes, souvent très documentées. Les préhistoriens ne furent pas les seuls amateurs d'objets primitifs, les artistes du début du XXe siècle, cubistes, surréalistes, trouvèrent en eux de nouvelles sources d'inspiration et ces pièces, qui arrivaient en Europe depuis longtemps et n'avaient jusqu'alors eu aucune influence sur la création, révolutionnèrent l'art occidental.
Les collections africaines et océaniennes du Musée, comportent près de 2 000 objets remarquables à plus d'un titre. Tout d'abord ce sont des pièces anciennes puisque la majorité d'entre elles ont été collectées avant 1930. Elles présentent ensuite un réel intérêt esthétique et ethnologique, car même si certains objets, tel le masque BAMBARA, sont déjà des productions destinées aux occidentaux, ils n'en restent pas moins d'une grande pureté stylistique. De plus, la diversité de leur provenance dépasse largement les seules colonies françaises. Enfin leur documentation due au travail du conservateur Maurice Féaux (1851-1934) est exceptionnelle. Préhistorien et collectionneur lui-même, celui-ci note dans les inventaires du Musée et dans son catalogue personnel toutes les informations concernant les objets, illustrant son propos de croquis et de photos qui lui donnent le charme d'un carnet de voyage. Il compara les objets à ceux des autres collections qu'il connaissait et compulsa tous les ouvrages concernant les récits de voyages, les expéditions, notamment la revue du Tour du monde.
Mais qu'ils soient préhistoriens ou artistes, attachés au seul aspect technique ou esthétique de ces pièces, tous auront tendance à oublier que ces objets ont avant tout été créés par des hommes pour exprimer et transmettre des valeurs philosophiques, culturelles et religieuses que nous devons aujourd'hui reconnaître comme telles. Pour cela il nous faut quitter nos oripeaux européens et essayer d'adopter la vision de ceux qui ont créé ces objets, tout en ayant conscience que notre regard ne sera jamais totalement objectif. L'art est un médium, chacun sera sensible à la plastique des œuvres, mais sans l'ethnologie la part essentielle de leur signification nous échappe. Aussi c'est cette approche ethnologique que nous avons privilégiée dans la muséographie.